Un ancien prêtre, enseignant à l’école grecque orthodoxe de Beyrouth en 1975, raconte sa conversion à l’Islam depuis qu’il s’est réfugié au Liban il y a 8 ans

Auteur(s) :
enquêteur : Battegay, Alain
informateur : Richard, Jacques
informateur : Richard, Jumanna

Editeur :
Phonothèque de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme

Contributeur :
Maison méditerranéenne des sciences de l'homme

Notice originale :
http://phonotheque.mmsh.huma-num.fr/dyn/portal/index.seam?page=alo&aloId=11721
mmsh11721

Type :
archives sonores
Sound

Description :
Au moment de l'enregistrement en 1975, l'informateur signale parler un peu arabe.
L'entretien est réalisé avec un couple. Les interventions de la femme sont difficilement audibles. L’homme vit à Beyrouth avec son épouse d'origine syrienne, devenue française depuis un mois. Ils se sont mariés le 5 mai 1973 et n’ont pas d’enfant. Ils se sont rencontrés à l’école des sœurs de la Charité où il enseignait et où elle était élève. En 1961, il est entré au séminaire à la suite duquel il a été ordonné prêtre, et a obtenu une licence de théologie. Il est arrivé au Liban en octobre 1967 et y a fait deux ans d’études de psychopédagogie des adolescents. Il est également titulaire d’une licence de philosophie. Actuellement, il est en train de passer une équivalence en sciences de l’éducation. Il est parti de France car il éprouvait le besoin de s’éloigner de sa famille et de sa communauté religieuse. Une des sœurs de l’informateur, religieuse de Nazareth qui avait vécu au Moyen Orient et qui résidait à Aïcha, lui avait signalé qu’un poste d’enseignant chez les frères bénédictins était vacant. Il a passé trois ans à Tripoli puis il est venu à Beyrouth pour enseigner sous contrat avec la Mission culturelle. A ce moment-là, ayant décidé de quitter la prêtrise, il est rentré en France pour le procès de réduction à l’état laïque. Il n’était pas d’accord avec certains dogmes et le célibat ne lui convenait pas. Son père a plutôt bien réagi à sa décision alors que sa mère, elle, a interrompu toutes relations avec lui, son mariage ayant été un point de non-retour. Au Liban, il a continué sa pratique religieuse avant de se convertir à l’Islam. Cette conversion n’a pas toujours été bien comprise. A Tripoli, il s’est tenu a l’écart des Français et il s’est plongé dans le milieu libanais malgré son arabe limité. En ce qui concerne ses déplacements, hormis son voyage en France (pour son procès), en général il ne sort pas du Liban car pendant l’été il travaille en donnant des cours particuliers de menuiserie. Avec son épouse, ils aiment aller au cinéma, assister à des conférences et voir des amis. Ils ne font pas partie d’associations. Ils se sont mariés sans le consentement des familles et les ont mis devant le fait accompli. L’informateur explique que sa conversion n’est pas seulement due à son mariage; il souhaitait une religion qui ne soit pas une institution juridique transcendantale. Dans le Coran, on retrouve des règles de vie mais il n’y a pas de de juridiction au niveau de la foi : il n’y a pas de théologie. Si sa foi ne pose pas de problème dans son enseignement, en revanche des gens lui ont tourné le dos en ayant connaissance de sa conversion. Il enseigne dans une école grecque, catholique orthodoxe indépendante située au rond-point de Dora. A sa tête, il y a un prêtre et quatre religieuses. L’école est gratuite jusqu’en 7ème et au-delà, elle est payante. L’école est mixte et mélange les confessions. L’informateur est responsable de l’enseignement du français de la 6e à la 3e et il supervise les autres enseignants. Il est payé par l’école et a un supplément de la part de l’ambassade (issu de la trésorerie générale). Son salaire a évolué, il est passé de 450 francs à 1220 francs. Il est chargé du programme des cours et de former les autres enseignants mais n’est pas suivi par la mission culturelle : il fabrique lui-même les outils pédagogiques en s’inspirant notamment de la méthode Montessori. L’enseignement du français est fait en tant que langue étrangère. Les élèves ont le choix entre l’anglais (cent-cinquante le choisissent) et le français (trois-cent-cinquante optent pour ce dernier). Les Arméniens qui habitent le quartier font de l’anglais en général, alors que le français est choisi par les chrétiens, les musulmans, les orthodoxes et les maronites. A partir de la 6ème, il y a de plus en plus de chrétiens car les musulmans n’ont pas les moyens de payer les frais de scolarité. L’apprentissage de la langue est important au Liban car selon un proverbe local “celui qui parle plusieurs langues vaut plus qu’un autre”. Il s’agit également d’une valorisation sociale. Pour le milieu chrétien, le français est important car il montre le rattachement à la France, à sa culture; Le choix de l’anglais est plus pragmatique. L’école recrute parmi les artisans, les fonctionnaires. Dans le quartier, le fait que l’homme soit français est important car sa prononciation est bonne, contrairement aux enseignants libanais qui, selon lui, ont une mauvaise phonétique. Ses rapports avec ces enseignants sont assez tendus car d’après lui, ils manquent de motivation, ils sont jeunes, depuis peu sortis de l’école et fraternisent trop avec les enfants. Il pense qu’ils ne travaillent pas beaucoup et se font servir (port de cartable, nettoyage du tableau) Sa mission de conseil pédagogique est faible car il n'est pas vraiment écouté. La bande sonore s’accélère. Il existe une friction sur les méthodes d’enseignement : apprendre par cœur sans comprendre et savoir réfléchir. Concernant la place du français, il y a une cinquantaine d'années il était véhiculé efficacement mais ensuite il est devenu opératoire et ne sert pas à la réflexion. Selon lui, le problème du Liban est qu’il est tiraillé entre le monde occidental et le monde arabe : face à la culture française, les Libanais résistent et utilisent la langue arabe uniquement pour faire bien. D'après l'ancien prêtre, la culture française a permis à une classe sociale d’imposer un certain mode de société. Il s’agit d’un impérialisme culturel. L’arabe a été bloqué dans son histoire, et le développement peut selon lui détruire une certaine culture arabe au Liban.

Sujet(s) :
enquête
témoignage thématique
pratique de la langue
conversion religieuse
islam
christianisme
école privée
transmission de la langue
domination culturelle
Français langue étrangère
principes et méthodes pédagogiques
action pédagogique
éducation des enfants
École grecque et orthodoxe de Beyrouth
École des Sœurs de Charité de Beyrouth

Date :
1975-01

Format :
1 bde
1h 41min

Langue :
français
fre

Couverture :
Beyrouth
N33°53'20''
E35°29'39''

Droits :
Contrat signé avec la dépositaire. Recherche des ayants droit en cours.
Consultable sur autorisation

Relation(s) :
Les français au Liban depuis 1945, une minorité allogène

Type :
archives sonores
Sound

Source :
4371

Citation

enquêteur : Battegay, Alain, informateur : Richard, Jacques, et informateur : Richard, Jumanna, “Un ancien prêtre, enseignant à l’école grecque orthodoxe de Beyrouth en 1975, raconte sa conversion à l’Islam depuis qu’il s’est réfugié au Liban il y a 8 ans,” Portail du patrimoine oral, consulté le 25 avril 2024, http://stq4s52k.es-02.live-paas.net/items/show/120266.