Enregistrement d’une réunion du Front national progressiste (syrien) au cours de laquelle interviennent différents intellectuels, le 9 octobre 1979

Auteur(s) :
interv. : Kilo, Michel (né en 1940)
interv. : Adwan, Mamdouh (1941-2004)
interv. : Dahbour, Ahmad (1946-2017)

Editeur :
Phonothèque de la maison méditerranéenne des sciences de l'homme

Contributeur :
Maison méditerranéenne des sciences de l'homme

Notice originale :
http://phonotheque.mmsh.huma-num.fr/dyn/portal/index.seam?page=alo&aloId=12359
mmsh12359

Type :
archives sonores
Sound

Description :
Michel Seurat enregistre une réunion entre les membres du Front national progressiste syrien (FNP), possiblement diffusée à la radio. Les différents intervenants évoquent les problèmes auxquels le FNP doit apporter des réponses s’il souhaite pouvoir se développer. A cet égard, le thème de la publication récente d’un manifeste (bayân) par le FNP revient régulièrement. Le premier intervenant, Mahmoud Ayyoubi, fait état de la tendance actuelle qu’ont les gens de se détacher des “masses” (jamahir), entravant ainsi le sentiment de citoyenneté. Il évoque aussi le journalisme, qui appuie cette tendance ; pour lui, le journalisme devrait au contraire permettre aux masses de s’exprimer. Suite à son intervention, un homme énonce clairement les noms des personnes qui souhaitent réagir. L’intervenant suivant évoque toute une série de problèmes qui n’ont pas été résolus, notamment l’occupation des terres par Israël, la cause palestinienne, ainsi que la “question sociale”. En ce qui concerne le Front national progressiste, il considère que le problème réside en ses dirigeants. Par ailleurs, il rappelle les échecs par lesquels se sont soldés les tentatives pour arriver à l’unité arabe. Selon lui, le problème essentiel est que le Front n’a pas cherché à se remettre en question. L’intervenant suivant, Michel Kilo, revient aussi sur les différents handicaps dont souffre le Front. Il évoque les liens du Front avec le parti Baas et un certain déséquilibre entre les différents partis qui composent le Front national progressiste et qui deviennent ainsi de plus en plus inefficaces. Il constate que le Front, au cours des sept années de son existence, n’a pas débattu des questions économiques et administratives, ni n’a fait de propositions, ni n’a cherché à définir sa capacité à diriger le pays. En fait, selon Kilo, son plus grand problème n’est pas avec les gens, les “masses”, mais avec le régime politique. Pour lui, si l’on veut permettre au Front national progressiste de se développer, il faut redéfinir ses relations avec les dirigeants politiques, et non avec les bases populaires qui ne sont pas responsables de l’impasse dans laquelle se trouve le Front. Selon lui, le FNP a petit à petit perdu son indépendance intellectuelle. Il évoque la charte (mithâq) du Front qui l’empêche de travailler comme une véritable force politique. Kilo dénonce le fait que le FNP ne constitue plus tant une coalition de partis qu’un rassemblement de groupements autour d’une personne ou d’une idée, sans plus de relation avec les intérêts d’un groupe social en particulier. Il évoque par ailleurs un complot international contre la Syrie, qui remonte à la création de l’Etat d’Israël. Ce complot vise selon lui à la déstabilisation du peuple syrien et à la déconnexion de l’individu par rapport aux masses, menant à un manque de représentation du peuple au niveau politique. Il évoque l’idéologie du Baas, qui selon lui porte sur la question nationale, tandis que celle du parti communiste s’intéresse à la question sociale. A cet égard, il s’interroge sur la position du peuple à propos du socialisme. Selon lui, le peuple ne considère plus le socialisme comme quelque chose de progressiste, mais plutôt au contraire comme quelque chose de rétrograde. Il revient ensuite sur le processus de camp David, qui avait bouleversé la région. Il regrette par ailleurs la tendance qui consiste à toujours remettre à plus tard le règlement des problèmes sociaux et politiques. Intervient ensuite l’écrivain palestinien Ahmad Dahbour. Il aborde la question des relations entre l’Union des écrivains arabes, dont il est membre, et le FNP. Il évoque aussi le système des services de renseignement (mukhabarat) qui n’a de cesse d’entraver les procédures administratives initiées par les citoyens. L’intervenant suivant aborde la question du “bayân”. Selon lui, le peuple s’était attendu à un changement des personnalités historiques à la tête du FNP suite à la publication du bayân, mais finalement, rien ne s’est produit à ce niveau-là. Pour lui, un tel maintien du statu quo fait penser qu’aucun changement important ne pourra être réalisé, ni maintenant ni ultérieurement. Il s’interroge par ailleurs sur la légitimité des dirigeants du FNP et met en avant la nécessité pour eux de revetir à la fois une dimension sociale et une dimension nationale. Intervient ensuite Mamdouh Adwan. Celui-ci exprime son sentiment que le FNP est un peu éloigné des gens. Il évoque à cet égard une méfiance du peuple vis-à-vis des régimes politiques. De même, selon lui, le peuple n’a pas confiance en les médias, qui mentent à propos de tout. Pour lui, cette tendance au mensonge des médias et du pouvoir politique est due à la peur qu’ils ont du peuple, peur que le peuple les voit tels qu’ils sont en réalité. Par ailleurs, Adwan dénonce le manque d’activité et l’inefficacité du FNP durant les années précédentes. Il évoque les mukhabarat et la pratique sectaire de certains éléments du pouvoir. Il aborde la question du complot américain contre le peuple syrien. Cependant, il s’interroge sur les liens entre le processus de Camp David et la crise à laquelle doit faire face la Syrie. A cet égard, il souligne le fait que les “fauteurs de trouble” en Syrie sont bien des citoyens syriens, puisque ce ne sont pas des espions ou des soldats américains qui sont arrêtés, mais des Frères musulmans de Hama. Il évoque un mouvement réactionnaire et sectaire chez les citoyens. L’intervenant suivant salue les exposés de MM. Kilo et Adwan. Il évoque les relations entre le FNP, le parti Baas (parti à la tête du FNP) et le pouvoir politique. Pour lui, le manque d’intérêt que le citoyen porte sur le FNP est dû au fait que ce dernier n’applique pas les décisions qu’il prend lui-même. Par ailleurs, l’intervenant s’interroge sur la capacité du régime syrien de s’opposer au processus de Camp David, aux Etats-Unis, à Israël, s’il n’est même pas capable de régler le problème du pain, ainsi que celui des transports, du gaz, etc. Pour lui, la solution à tous ces problèmes est connue : il leur faut la démocratie. L’intervenant suivant, journaliste, avoue ne pas connaître tous les noms des partis membres du FNP tant le FNP a été absent de tout ce qui s’est passé dans le pays. Il regrette que ces partis ne soient pas identifiés en tant que tels mais qu’ils sont toujours définis en référence à une personne. Par exemple, selon lui, le citoyen lambda, pour désigner le parti communiste, dira “le groupe de Khaled Bakdash” ou “le groupe de Riad al-Turk”. Il s’interroge aussi sur la situation du parti Baas et des maux dont il souffre. Pour le journaliste, c’est à cause de cette confusion dans la définition des partis qu’ont pu émerger et se développer les Frères musulmans. Selon lui, le développement du FNP passe donc par une définition claire de son “identité sociale”, afin de savoir exactement qui il représente. Il souhaite aussi un renforcement du climat démocratique. Il souligne enfin le fait qu’une crise telle que celle que traverse la Syrie laisse des traces profondes dans l’esprit des gens, qui perdent le lien avec leur citoyenneté. L’intervenant suivant s’interroge sur la représentation des progressistes du pays au sein du FNP, qui est à son avis essentielle pour développer le travail du Front. Il faudrait aussi, selon lui, veiller à présenter des actions concrètes aux citoyens. Par ailleurs, il évoque le rôle des commerçants (en particulier ceux de Damas) dans la divulgation de discussions tenues au sein des partis et censées être secrètes. En prétendant rapporter l’opinion populaire, l’intervenant avance que les membres du FNP seront tenus pour responsables en cas d’échec de la réforme que le FNP souhaite opérer. Il évoque des affrontements qui ont eu lieu peu avant à Lattaquié, et que tout le monde a cru être d’origine sectaire alors que lui avance que le problème était purement politique. Il évoque enfin le manque de confiance général envers les médias et envers la direction politique du pays. L’intervention suivante adopte un ton plus poétique. En effet, l’intervenant lit ou récite un poème pour finir sur la question de savoir si les mots ont une utilité. Selon lui, les mots n’ont aucune utilité puisque “ce qu’il y a de moins cher dans ce pays, ce sont les mots et les gens”. L’intervenant suivant revient sur le problème des Frères musulmans. Selon lui, on prétend que la crise en Syrie se déroule entre ceux-ci et le pouvoir politique, ce qui semble justifier le renforcement du dispositif sécuritaire. Seulement, pour lui, ce dispositif sécuritaire est loin d’être efficace. Par ailleurs, l’intervenant s’interroge plus précisément sur le critère utilisé par le pouvoir politique pour mesurer la “citoyenneté du citoyen”, c’est-à-dire, à partir de quel moment le pouvoir peut-il considérer que untel est un traître de par ses idées politiques, et donc en faire un prisonnier politique ? Il évoque à cet égard un article du Monde (français) qui parle de milliers de prisonniers politiques en Syrie, dont aucun n’a été présenté devant le juge. Il s’interroge par ailleurs aussi sur le bien-fondé des constantes ingérences de l’appareil sécuritaire dans les affaires administratives. En effet, selon l’intervenant, si réellement l’appareil sécuritaire comprenait quelque chose dans le ministère de la culture ou dans le plan quinquennal, le chef de la Sécurité publique n’aurait qu’à devenir premier ministre. Il accuse ce système d’empêcher les jeunes diplômés de ne pas trouver de travail au sein des institutions étatiques sous prétexte qu’ils sont “dangereux”.

Sujet(s) :
émission de radio
parole publique
réunion politique
parti politique
démocratie
socialisme
Frères musulmans
parti Baas
Front national progressiste
guerre du Kippour (octobre 1973)
Création de l’Etat d’Israël (14 mai 1948)
Processus de Camp David (1978)

Date :
1979-10-09

Format :
1 cass.
1h 31min

Langue :
arabe
ara

Couverture :
Damas

Droits :
Contrat signé avec la dépositaire. Recherche des ayants droit en cours.
Consultable sur autorisation

Relation(s) :
Regroupement d'enregistrements hétérogènes constitutifs de l'environnement de travail de Michel Seurat

Type :
archives sonores
Sound

Source :
3267

Citation

interv. : Kilo, Michel (né en 1940), interv. : Adwan, Mamdouh (1941-2004), et interv. : Dahbour, Ahmad (1946-2017), “Enregistrement d’une réunion du Front national progressiste (syrien) au cours de laquelle interviennent différents intellectuels, le 9 octobre 1979,” Portail du patrimoine oral, consulté le 26 avril 2024, http://stq4s52k.es-02.live-paas.net/items/show/121382.