Un expert en coopération multilatérale pour les Nations Unies, enseignant de démographie à l’Université Libanaise de Beyrouth, explique le rôle de la langue française au Liban en 1975
Auteur(s) :
enquêteur : Battegay, Alain
informateur : Fargues, Philippe
Editeur :
Phonothèque de la Maison Méditerranéenne des Sciences de l'Homme
Contributeur :
Maison méditerranéenne des sciences de l'homme
Notice originale :
http://phonotheque.mmsh.huma-num.fr/dyn/portal/index.seam?page=alo&aloId=11722
mmsh11722
Type :
archives sonores
Sound
Description :
Au moment de l'enregistrement en 1975, l'informateur signale parler l'arabe couramment. Il parle également anglais.
L’informateur est arrivé au Liban en 1973. Il est marié et a deux enfants. Il commence par présenter son cursus universitaire: après deux mois passés en Science Politiques, il a étudié les langues orientales car il envisageait une carrière diplomatique. Puis il a choisi la démographie dont il en est devenu expert. En même temps, il a préparé un doctorat en sociologie dont il a soutenu la thèse en 1972. Ensuite, il a fait une demande pour devenir assistant en démographie au CNRS et il est arrivé à Beyrouth en tant que coopérant militaire et démographe, recruté sur un poste financé par l’ONU. Il connaissait déjà le Liban en tant que touriste et il avait rencontré des Libanais au cours de ses études. Depuis 1973, il est expert en coopération multilatérale pour les Nations Unies et il travaille à l’université libanaise. Son épouse est détachée de l’enseignement mais elle n’a pas de poste. Avec son budget de coopérant militaire, il a dû choisir un logement en banlieue et, de fait, ils vivent dans un village majoritairement composé de Chrétiens maronites, venus du Liban sud. Lors des vacances, ils rentrent en France pour retrouver leur famille qui s’interroge beaucoup sur la sécurité au Liban. L’informateur dit ne pas se sentir en danger à Beyrouth qu’il décrit comme une ville aseptisée. En revanche, il voit tous les jours de sa fenêtre des avions qui lâchent des bombes sur Sabra. Les évènements qui se passent près d’eux leur permettent d’avoir une vision plus précise de la situation politique au Liban. Ils n’ont pas beaucoup voyagé dans la région mais ils s’intéressent à la manière de vivre des gens. Il parle suffisamment l’arabe pour se faire comprendre et il voyage avec sa famille et des amis libanais. Ils ne sont pas inscrits dans des associations et ont peu de relations avec les Français du Liban. Professionnellement, son cadre de travail est très général, il a eu la liberté de mettre ce qu’il voulait dans ses contenus d’enseignement car il n’y avait pas de programmes définis et il fallait organiser un diplôme en démographie. Il se sent isolé dans son travail car selon lui il n’y a pas d’esprit d’équipe. L’enseignement se fait en français et cela pose parfois des problèmes de compréhension. D’après l’homme, être français est perçu en bien ou en mal, selon les préjugés. L’arabisation s’impose de plus en plus à l’université et oppose les enseignants et les étudiants. Pour sa part, il pense que la démographie peut être enseignée en langue arabe, à condition d’investir dans l’achat de nouveaux manuels. Le problème des langues est plutôt politique et l’enseignement du français véhicule une culture qui favorise une classe sociale dominante francophone et francophile. Le Liban se situe entre l’occident et l’orient et il y a un désir politique de maintenir l’identité mandataire. C’est avec un regard d’expert des Nations Unies que l’homme se confie. Il parle du Liban comme d’un pays anarchique où l’arabisation comporte des risques dus à la montée de la classe sociale prolétaire. Gêné, il demande à l’enquêteur de couper l’enregistrement, mais le chercheur lui demande de se détacher de son rôle professionnel et il redéfinit l’origine de la démarche préalable à l’entretien. Selon l’informateur, le français qui domine la communauté chrétienne, est en concurrence économique avec l’anglais. L’informateur pense que l’arabe littéraire est difficile à apprendre et que cela empêche la culture arabe de se développer. L’enseignement à l’école publique se fait en français et l’arabe n’est qu’une matière comme une autre. Au sujet de la communauté française, il lui semble que les coopérants de la branche culturelle vivent isolés alors que les hommes d’affaires sont davantage intégrés. Les couples mixtes ne sont pas intégrés à la culture française et se “libanisent”. Il perçoit le français comme un instrument de la bourgeoisie. Il mentionne les conflits qui séparent les différentes communautés mais il est à nouveau gêné par les questions du chercheur. Il remet en cause l’ordre et la manière dont les questions sont posées et, à nouveau, l’enquêteur se justifie. Pour l’homme, être enseignant en démographie au Liban lui permet de représenter, d’une certaine manière, les intérêts des Nations Unies. A l’université, le programme de l’enseignement de la démographie implique qu’il doit apprendre à ses étudiants à être démographe tout en jouant par ailleurs un rôle de propagande, notamment concernant la limitation des naissances. Cela ne lui convient pas. L’entretien se conclut par ses projets d’avenir; le démographe va être envoyé en Afrique prochainement et il retournera en France lorsqu’on lui donnera un poste. L’informateur revient finalement sur les difficultés qu’il a ressenti à parler de la question française.
Sujet(s) :
enquête
témoignage thématique
démographie
arabisation
francophonie
coopération du Service national à l'étranger
transmission de la langue
conflit social
relation religieux-politique
usage du langage
maronite
plurilinguisme
ONU
CNRS
Université Libanaise
INALCO
Date :
1975-01
Format :
1 bde
1h 27min
Langue :
français
fre
Couverture :
Beyrouth
N33°53'20''
E35°29'39''
Droits :
Contrat signé avec la dépositaire. Recherche des ayants droit en cours.
Consultable sur autorisation
Relation(s) :
Les français au Liban depuis 1945, une minorité allogène
Type :
archives sonores
Sound
Source :
4372